Dans leur besace...

Publié le par Lilou

Dans leur besace...

Les vendredis sont souvent l'occasion de se poser après une longue semaine. Et boire un coup, entre voisins. Ce soir, c'est Alex qui reçoit. On se raconte les collègues chiants, les patrons qui en demandent toujours plus, le public qui n'en finit pas d'être exigeant, insultant. Méprisant. 

Toute la semaine, on tient. On range ses anecdotes dans sa petite besace. On la sortira vendredi. 

Fin de semaine, enfin. Sur la terrasse, au début, c'est le grand défouloir : les besaces, éventrées au milieu du banquet, laissent couler maux et conseils. Puis, l'alcool œuvrant, on fait table rase et on convoque Dame légèreté. Les plaisanteries fusent, les épaulent tressautent, les yeux pleurent de rire. Maya regarde la joyeuse assemblée. Leurre presque efficace. C'est en évitant de trop penser que le petit peuple panse ses plaies.  

Et soudain, sans crier gare, son voisin se fâche tout rouge. Maya lui saisit le bras pour le calmer. Il n'entend pas. Sa boîte aux lettres ! Sa boîte aux lettres, bon sang ! Elle le mentionne pourtant clairement : ''stop pub''. Froide, presque méchante, la mention. Putain, mais il faut que je lui écrive en quelle langue ? De sa terrasse, Alex râle après le pauvre homme qui vient de glisser un prospectus. Et il prend Maya à témoin. Il n'en finit plus d'être exigeant, insultant. Méprisant. 

Sans les regarder, le distributeur reprend son chemin, traînant un caddie bien rempli au regard du peu de gens qui acceptent encore les réclames.

L'Homme sera décidément toujours un loup pour l'Homme. L'heure n'est plus aux rires. Le regard perdu dans le lilas, Maya est glaciale. Silencieuse et glaciale. Alex marmonne des mots inaudibles, signe qu'il a bien saisi le malaise. Le silence de Maya dure, une éternité. 

Elle revoit encore cette silhouette. Elle a honte. Comme si sa seule présence suffisait à cautionner les cris de son voisin. Non. Elle refuse. Elle a presque envie de le rattraper, cet homme, de lui dire qu'elle... 

Maya  a besoin de partir. Elle ne veut pas s'expliquer. Ni se justifier. Ni même dire un mot ou adresser un regard. Elle veut juste rentrer chez elle. Vite. Ne pas perdre de temps. 

Elle se lève et elle se casse.

 

Publié dans Expérience

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