Guigne du routard

Publié le par Lilou

Guigne du routard

Désireuse de bien commencer sa semaine, Maya avait préparé ses affaires la veille. Et le réveil sonna...

5h45. Un quart d'heure à l'avance, elle saute du lit comme une fleur. Gommage. Puis masque. 10 minutes de pose.

6h. Hop, douche rapide - elle saute dans ses vêtements. Petite séance de yoga facial et léger maquillage.

6h10. L'eau chauffe pour le thé de l'après-midi, la machine prépare le café du matin. Les mugs attendent d'être remplis. Pendant ce temps, elle fait son lit.

6h20. Tartine avalée, coup de peigne, 2 pschitt de numéro 5. 3 minutes de brosse à dents (Chaluuuuuut au voisin sur le départ), sacs dans la voiture (premier voyage). 

6h30. Chargée des mugs et d'une paire de boucles d'oreilles, direction voiture (second voyage).

C'est fou comme une route peut changer en un quart d'heure. Pas de bouchons, d'excités au volant, pas de stress. Le GPS indique 10 minutes d'avance - parfait pour faire des photocopies avant de commencer.

Sauf que ...

Le concierge étant en vacances, les grilles sont fermées. Sa cheffe arrive pour lui ouvrir le portail au bout de 10 minutes. Avec les photocopies, cela fait 5 minutes de retard. Maya bout et se retient de répondre à son jovial bonjour au lance-roquette.

Maya est bien décidée à conjurer le sort entre midi. Une heure lui permettra d'avancer : un plein de l'autre côté de la frontière fera son bonheur et il lui restera 40 minutes pour déjeuner, sans ses collègues. On parle justement d'une sandwicherie guideduroutardisée qui fait des menus divins...

C'est sans compter l'improbable bouchon au centre de la toute petite ville. Elle a beau gesticuler dans tous les sens, elle ne voit pas ce qui obstrue le passage. Jusqu'au virage : une jeune femme en fauteuil électrique roule au milieu de la route. Impossible de doubler.

De l'autre côté de la frontière, elle choisit un automate pour payer rapidement son plein. Elle insère sa carte. Veuillez retirer votre carte avec un mouvement plus souple du poignet. Puis insérez-la à nouveau délicatement. Voilà ce que cela donne quand on confie des automates à des programmeurs sous anxiolytiques.

Au bout de la 4e tentative, un chauffeur de camion, probablement las d'attendre, lui prend sa carte. Il la frotte sur la manche de son pull.

- Un mouvement souple du poignet, moi, ça m'parle... 

Maya ignore son sourire lubrique. Et son poignet, d'ailleurs, n'est pas si souple. La directrice de la station arrive - Maya a provoqué un petit bouchon. De toute façon, ça commence à être juste question timing : elle opte pour un autre automate. et refait le tour de la station essence.

Garée trop près de la borne, Maya se prend les pieds dans la porte d'où dépasse le coin d'un livre qui accroche son collant. Un beau trait couleur chair monte jusqu'en haut de sa cuisse - intérieure gauche. Et merde !

Elle paie. Devant le volant, elle range sa carte bleue, se désinfecte les mains. Et surtout s'efforce à oublier le poignet du camionneur.

Plus que 20 minutes. Adieu, sandwich de rêve. Elle file au drive du McDo - un happy meal qui n'a d'happy que le nom. Elle se console avec le livre qu'elle donnera à sa filleule - livre évidemment oublié par le préparateur. Reste donc à traverser la salle du fast-food pour le réclamer - oublie la cuisse intérieure gauche, sois digne.

À son retour, Maya savoure les joies du contorsionnisme, changeant son collant dans la voiture. Satisfaite d'avoir pris une deuxième paire ce matin. Satisfaite d'avoir une nouvelle histoire pour sa filleule.

La pause méridienne est terminée. Elle sort du parking, décidée à bien commencer l'après-midi. Le collant impeccable, elle avance fièrement. Les collègues sont au café. L'un d'eux lui demande si elle est rassasiée. Remarque, il vaut mieux éviter les maxi best of, pour changer ses collants dans une voiture en 2 minutes chrono.

 

 

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