Attention, il est hors de question de tomber dans le débat, aussi éternel que stupide, qui oppose des machos comme on n'en fait plus à des chiennes de garde enragées. Le fait est qu'hier, une automobiliste (moi) a eu affaire à un fou furieux du volant. Insultée, maudite, agressée, vilipendée, menacée, j'ai été. Et pourtant, tout va bien.
Hier soir avait lieu dans notre cinéma l'avant-première de "Romaine par moins 30", en présence des acteurs et de la réalisatrice. La séance était à 20 heures, et Schoen et moi étions un peu juste, question timing. Un type devant nous se trouvait pépère sur la voie du milieu et commençait sérieusement à m'énerver. C'était limité à 110, vitesse à laquelle je roulais, et lui, devait être maximum à 90. Pourquoi ne se rabattait-il pas sur la voie de droite alors que l'autoroute était déserte, je l'ignore.
Un brin agacée, j'ai donc entrepris de le doubler, me plaçant derrière lui, puis sur la troisième voie. Alors que ma voiture le dépassait, en bon descendant de l'Australopithèque, il s'est mis à accélérer, un peu.
- Tu parles, encore un de ces mecs qui ne supportent pas de se faire dépasser par des nanas! a dit Schoen qui avait croisé son regard, noir.
Mais il était trop tard pour lui: je me rabattais, respectueuse des distances de sécurité, évidemment. Cette espèce de crétin a alors appuyé de plus belle sur le champignon, de sorte qu'au moment de me retrouver devant lui, seuls, quelques mètres nous séparaient. Pour signaler son exaspération, il a fait plusieurs appels de phares qui semblaient crier: "Salope!". Le rétro révélait un couple de quinquas dont les visages transpiraient l'antipathie.
Qu'importait. Il ne restait plus que quinze minutes avant la séance alors, quand il s'est mis sur la voie de gauche pour me doubler, je lui ai fait signe, dans la plus grande indifférence de passer, si cela lui chantait.
Soudain, j'ai réalisé que j'étais toujours à 110 et qu'à deux pas de là, un radar veillait. L'envie de lui donner une leçon m'a démangée. Comme habitée par un démon, je lui ai lancé une sourire provocateur tout en accélérant un peu. A l'allure où il allait... Paf, ça n'a pas loupé: il s'est fait flasher. En toute beauté. J'avoue avoir jubillé. Faute avouée aimerait être à moitié pardonnée.
Si cela pouvait lui servir leçon, ce n'était pas plus mal. Le truc, c'est qu'il semblait l'avoir vu dans son rétro. Il s'est mis à gesticuler d'une manière qui n'augurait rien de bon... Peut-être était-ce à mettre sur le compte d'une paranoïa avancée, mais curieusement, il avait l'air de prendre la même route que nous. Il fallait vraiment jouer de malchance pour aller dans la même direction. Une idée a traversé mon esprit: ma voiture est un modèle qui ne court pas les rues, et sa couleur n'est pas de celles qui permettent les opérations camouflage...
Il ne restait plus qu'une sortie avant la nôtre et il était toujours là, avec, en tête, son amende et ses points en moins. Et sa fierté. Son bras droit se levait de temps à autre, comme pour souligner ses accès de colère. Oups.
La sortie approchait, j'ai donc mis mon clignotant. Hélas, lui aussi! Nous avions beau nous dire que ce n'était pas possible, cela ne nous rassurait guère. Il fallait de toute urgence trouver un plan B: comment planquer la voiture (rouge) et nous rendre incognito au cinéma? Je n'allais tout de même pas louper Sandrine Kiberlain à cause de ce type!
Insultée, maudite, agressée, vilipendée, menacée, j'ai été. Mais j'étais alors hors de sa portée, dans ma voiture. J'ai mis mon clignotant. Il a mis son clignotant. La sortie donnant directement sur le parking, le pire était à craindre. Finalement, il s'est ravisé. Peut-être avait-il tenter de nous effrayer, ce sadique.
Même pas peur. J'ai rapidement repris mes esprits après ce coup de chaud.
- Qui est-ce qui va payer son amende, hein??? ai-je lâchement ricané, une fois saine et sauve.
- Lilou, là, tu es méchante!
- M'en moque, c'est lui qui l'a cherché.
...Flashé au tournant!