Coulée.

Publié le par Lilou

Coulée.

- Bon courage pour ta reprise. Furieuse envie de rester sous la couette, ce matin.

C'est un message de sa sœur, à 6h04, qui l'a réveillée ce matin. S'il y a bien une hantise dont elle peine à se défaire, c'est celle du fameux ''réveil qui n'a pas sonné''. La perspective d'un bouchon, d'une panne de batterie ou d'essence, de travaux, d'une déviation improbable, ça, elle gère encore bien dans sa petite tête.

20 minutes. Ça fait peu de temps pour se préparer. Un jour de rentrée. Quand la nouvelle cheffe est là. Et qu'on veut faire bonne impression. Hop, c'est parti pour des trois en un.

10 minutes. Info/douche/café : Maya aime boire son café tandis que l'eau chaude dégouline sur son dos et les nouvelles arrivent à ses oreilles.

5 minutes. Masque bonne mine/lit/brosse à dent : le visage masqué, elle tire la couette, pose les coussins d'une main et se brosse les dents avec sa baguette électrique.

10 minutes. Coiffage/habillage/parfumage. Quelques coups de brosse plate en sortant du placard une tenue simplement efficace qu'elle pose pour attraper son numéro 5.

Avant de sortir, elle attrape son ricil et ses boucles d'oreilles au passage : dans ces moments tendus, le maquillage est purement aléatoire, intimement lié à la présence d'un feu rouge véritable deus ex machina. Radio.

- Il est 6h34 et tout va bien sur les routes de Lorraine !

Respecter les limitations de vitesse. Même en accusant un petit retard. Maya entreprend le dépassement d'un camion qui semble cracher ses poumons dans une légère côte. Un tank sorti de nulle part entreprend de la coller. Qu'on m'ouvre la voie royale. Au vu du grand désordre dans les gestes du conducteur et de ses yeux qu'elle imagine injectés de sang, Maya s'attend à voir sur le siège passager une femme enceinte sur le point d'accoucher. Ou un mafieux qui le menace avec un pistolet sur la tempe. Place vide. Donc fou du volant. L'un de ceux qui devraient songer à mettre leur réveil plus tôt... Marque ? Audi. Toujours mauvais signe. 

- Nos amis les cancers auront bien du mal à débuter cette semaine. Ils goûteront toutefois à une plénitude bien méritée ce weekend.

Maya poursuit son dépassement, l'Audi collée à ses basques. Encore un abruti désireux de faire de la pédagogie sur la route à 7h du matin à grand renfort de queues de poisson et de coups de klaxon hystériques. Maya se rabat, une fois le camion dépassé. Quant au poids lourd, derrière elle, c'est un gros lourd qui se met à sa hauteur, se penche vers elle pour lui parler, hurler, vociférer. Il ouvre même sa vitre, pensant peut-être faire un brin de causette. Elle ralentit. Il ralentit.

Les Audi, ça la connaît. Doucement, elle lui montre son téléphone portable... Et lui adresse un clin d'œil un sourire improbables. Il voit rouge. Tape de rage sur son volant. Queue de poisson et  prochaine sortie.

Maya est pensive. Quel genre de personne pouvait être ce conducteur dans le civil ? Peut-être un homme charmant. Pourvu qu'il pense à essuyer l'écume de rage sur ses lèvres avant d'arriver à son travail. 

8h28. Au travail.

 

 

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