Petite mort.

Publié le par Lilou

Petite mort.

Il est des collègues toxiques. Celle-ci est un mélange de Gorgone, de sirène et de Circé : le mieux est de tourner les talons à sa vue, d'avoir sa belle-mère au téléphone. Ou une gastro, désolée. 

Hélas, l'ex filtration de Maya risque d'être un peu plus compliquée : au moment où elle croit distinguer sa silhouette familière, il lui est impossible de fuir. C'est qu'elle vient de découvrir la nouvelle machine à café et son choix démentiel : la commande se fait en une suite interminable d'options de sucre, faux sucre, touillette, crème, noisettes... 

- Dis donc, tu as drôlement maigri, cet été ! Bravo !

Autre caractéristique de la collègue, c'est de ne pas savoir parler. Elle est crieuse de rue, en recherche d'un public. C'est heureux, la rentrée ne s'étant pas encore faite, la salle est vide.

Cela commence toujours par un compliment. Maya ne se fait pas d'illusion et attend la suite. L'un des petits plaisirs de cette mégère et de traîner ses victimes sous une douche. Écossaise. Elle vient, petite chatte douce et affectueuse avec un compliment et au moment où la pauvre souris que vous êtes se flatte, en effet, d'avoir ''un beau poil'', elle sort ses griffes.

- Tu as fait un régime, affirme-t-elle, enfonçant la porte de l'intimité de Maya sans mandat de perquisition. Ça se voit tout de suite !

Dans la pénombre brillent ses griffes, minutieusement limées ce matin à dessein. Elle sait qu'elle n'arrachera pas de remerciement à Maya qui connaît parfaitement son jeu, alors elle poursuit avec l'étape suivante : 

- Tu as fondu. Ça saute aux yeux, là, au niveau de tes joues.

Pour souligner son propos, elle l'accompagne d'un geste de ses griffes soulignant ses propres joues. Le compliment initial vient de se faire atomiser par une dévalorisation froide, sans concession. La collègue marque un temps, sans doute celui de savourer sa jouissance : ses yeux sont brillants et elle a se sourire caractéristique qui accompagne ce plaisir extrême.

Comme pour se protéger de toute rébellion de sa victime, elle se défend (aussi) d'avoir voulu être blessante : 

- Oh, mais ça te va bien, hein !

Maya observe la collègue et sourit. Elle ne fait même pas attention à l'arrivée des trois nouveaux collaborateurs cravatés en mal de caféine. Elle sourit. Elle ne dit rien et sourit. Pour la première fois depuis qu'elle connaît cette mégère, la toute première fois, elle se décide à lui dire quelque chose :

- À propos de visage marqué, c'est amusant de voir comment le tien change lorsque tu casses une personne sans en avoir l'air. Si on t'observe bien, il est complètement ouvert. Tes yeux et tes sourcils sont écarquillés et, tu ne t'en rends même pas compte, ta bouche est ouverte. Et ce sourire, détendu... Pas de doute, c'est une petite mort. Dis, j'espère que tu as une rechange dans ton sac...?

Maya s'est offert le luxe de poser sa main sur les bras que sa collègue avait croisé devant elle - vain bouclier. Elle saisit son café et la laisse face aux trois hommes qui n'ont pas perdu une miette de cet échange inattendu. 

Maya est satisfaite. Au moins, les présentations sont faites en bonne et due forme.

 

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article