Nombril du monde.

Publié le par Lilou

Nombril du monde.

Voilà déjà quelques années qu'elle tournait autour sans trop oser se l'avouer. Une irrésistible envie de transgression qu'elle n'aurait pas à raconter à tout le monde. Un petit plaisir bien à elle. En tout cas, les premiers instants...

 

Elle avait saisi sans réfléchir son téléphone la veille et, par chance, une place venait de se libérer. Pour le lendemain. Même pas le temps de se préparer psychologiquement. 

 

Pour se donner un peu de courage, ce jour-là, elle se rendit au salon de beauté  pour une manucure. Hop, le lieu était réputé pour être animé tant il y avait de monde et de musique. Tellement bruyant qu'on ne s'entendait plus penser. Et c'était précisément ce qu'elle recherchait. 

 

La responsable avait réussi à lui trouver une esthéticienne à la dernière minute mais en la prévenant que c'était une étudiante en alternance. Qu'importait ! Pourvu que cela lui fit penser à autre chose... Elle s'installa au bar à ongles, entre deux clientes sophistiquées qui bavassaient gravement avec leur esthéticienne. Celle de Maya arriva enfin, tout sourire, toute colorée. D'ailleurs haute en couleurs...

- Alors il s'est occupé de mes tétons. Les deux ! Quand j'y pense, maintenant, il faut être dingue pour faire confiance à un inconnu. Mais il m'a vraiment mise à l'aise et je lui ai fait confiance.

L'esthéticienne parlait de sa première expérience de piercing. Voilà ce qu'on qualifierait communément de ''sans filtre''. Maya s'en amusa sans remarquer, autour d'elles, ces 4 têtes faussement passionnées par le choix de la couleur des ongles. 4 têtes soudain silencieuses. 4 têtes diablement intéressées par leur échange. Magiques mots-clés. L'esthéticienne, contre toute attente, se montra pleine de malice, adressant un clin d'œil de connivence à Maya en montrant d'un signe discret leur entourage, attentif, et l'invitant à jouer avec elle :

- Après, quand ça a été au tour du clitoris, c'était plus tendu. J'avoue que je suis assez pudique... Mais, franchement, j'en garde un super souvenir. 

- Je comprends... C'est une région particulièrement sensible ! Ça a duré longtemps ?

- Oh, je dirais une bonne demi-heure. Il m'a confortablement allongée et il a été doux, j'ai eu de la chance, pour le coup. Il y est allé tout en douceur.

Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure : les clientes mouraient d'envie d'en savoir plus. 

Une demi-heure plus tard, fraîchement manucurée, Maya arriva à son second rendez-vous. À l'accueil , on lui annonça qu'il y avait un peu d'attente. On lui proposa un café qu'elle accepta volontiers. Elle souriait encore en pensant à ces femmes qui n'avaient sans doute compris tout de suite, voire pas du tout, que son interlocutrice évoquait ses expériences de piercing.

- Je vous préviens quand je commence ou je ne vous dis rien ?

Les pipelettes du salon de beauté étaient désormais loin de l'esprit de Maya qui n'en menait pas large en apercevant l'aiguille. Le pierceur avait pris les repères autour du nombril de Maya et lui avait demandé si cela lui convenait. Désormais allongée, Maya se concentra de toutes ses forces sur les 4 têtes pour ignorer cet espèce de pincement, de picotement qui se faisait sentir. 

- Allez, c'est bon. On y est ! Ça va ? Je vous mets le petit bijou qu'il faudra garder deux bons mois. C'est du véritable cristal de Swarovski. Voilà... Je vous laisse regarder ?

Dans la rue, Maya déambulait, le premier bouton de son jeans ouvert, un pansement sur le nombril recouvert par un petit pull. Elle avait ce sourire satisfait, comme quand, petite, elle sortait de chez le dentiste - boucher à ses heures. Fière de son courage. Elle se souvint de l'esthéticienne qui avait fait ses tétons et de la douleur qu'elle avait ressenti. Heureusement que j'avais un rendez-vous pour les deux parce que je ne serais jamais revenue pour faire le deuxième !

C'était presque l'heure du goûter. Ses amies Sabine et Lily devaient arriver dans quelques instants. Elle mit la table et sortit le gâteau, ravie de leur montrer sa petite folie. Elle avait enlevé le pansement, mis un petit haut suffisamment court pour laisser discrètement apparaître son bijou. Il ne s'agissait pas de s'improviser jeunette désireuse d'épater la galerie. Encore que...

- Oh mon dieu, mais quelle horreur ! 

Sans ambages, Sabine s'était exprimée en apercevant son nombril à peine visible. Maya n'avait même pas eu le temps de leur raconter ses aventures. Elle était un peu froissée : une petite moue pour signifier que ce n'était pas à son goût eut suffi en lieu et place de la comparaison à une horreur. Mais Sabine de s'arrêta pas là :

- S'il te plaît, cache-moi ça, je vais faire un malaise ! 

Lily se montra moins surprise et la prit par le bras pour la calmer. Il faut dire qu'elle avait soudain pâlit. Penaude, Maya alla chercher quelque longueur dans son placard. Pour répondre à son regard interrogateur, Lily articula un mot. Et c'est ainsi que, pour la première fois de la journée, Maya leva les yeux de son nombril.

- Omphalophobie.

 

 

 

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