Maya se saisit du paquet de madeleines au café. Pas encore goûtées, réservées pour une occasion. Elle adore le gâteau, est une inconditionnelle du café, mais n’aurait jamais eu l’idée d’associer les deux. Curieux mariage.
Elle tourne l’emballage sur lui-même, le regarde comme pour se distraire: les ingrédients, la provenance… La date de péremption. Zut, elle n’aurait (n’aura ?) même pas cette excuse de lutter contre le gaspillage alimentaire.
Comme dans toutes les maisons, il y a ce terrible placard aux bonbons. C’est là un temple à part entière, dédié aux plaisirs. Un paquet de mi-cho-ko au chocolat noir côtoie un sachet de M&M’s. Ils sont posés devant des paquets de gâteaux et une pile de plaques de chocolat. Dans un coin, reposent quelques parents pauvres réservés pour les jours de vaches maigres : boudoirs et gaufrettes, méprisés, par temps d’abondance, adulés, par temps de famine. Au fond, dans l'obscurité, elle reconnaît la boîte métallique de Quality Street mais demeure impassible: elle sait qu'en la secouant, elle n'entendra que le bruit du strawberry cream, celui à la fraise. Ce chocolat est une erreur - comme celle de supprimer le Major et Miss, les deux charmants personnages du couvercle, dont elle imaginait les aventures, enfant.
Délectable régression : installée devant une bande dessinée de Mickey revisitée, Maya hume longuement les chocolats. C’est le paquet-piège : cinq cents grammes. Et ces grammes sont in-dis-so-ciables. Il est utopique d’imaginer un seul instant pouvoir trouver la force d’arrêter au quart, au tiers, à la moitié des M&M’s. Celui qui y est parvenu a probablement fini ses jours en psychiatrie et son triste exploit doit être recensé dans une très ancienne édition du Guinness des records. Maya préfère s’arranger avec sa conscience. Elle s’arme d’une coupelle, la remplit, suce le chocolat des rouges jusqu'à la cacahuète, croque les bleus. Suivent les jaunes, en alternance avec les bruns. Mmm… cela prend du temps. Ce faisant, elle n’a pas l’impression de se bâfrer, de s’empiffrer, de se goinfrer, d’engloutir sans mesure mais de déguster, de jouir, de savourer. Puis elle remplit une deuxième fois la coupelle...