13 Septembre 2011
Attention: ce qui suit dévoile le dénouement de l'histoire. Si vous n'avez pas eu l'occasion de lire le début, vous pouvez vous reporter aux billets précédents!
Elle aurait pu laisser son portable allumé, au nom de notre amitié, quand même… J’aurais tant aimé entendre la suite. C’était un peu comme suivre un programme de Canal et soudain entendre les grillons et voir l’image se crypter. Aussi frustrant.
Serge était grand, beaucoup plus grand que ce qu’elle avait constaté à la caisse. Aucun sourire n’animait son visage : il se contentait de la regarder, impassible. A peine avait-elle raccroché qu’elle leva la tête vers son invité. Il lui fallait trouver un moyen de rompre immédiatement la glace :
- Alors, dites-moi, c’est vous le nouveau James Bond ? Ou alors vous travaillez pour les services secrets ? Mais… comment avez-vous eu mon adresse ? Je cogite dessus depuis tout à l’heure !
Mission réussie : tant de questions réussirent à lui arracher un franc sourire. La situation l’amusait, c’était bon signe: cet amusement terrassa la gêne. Elle se dirigea vers la cuisine pour préparer un café, dans le but avoué de se donner une contenance.
- Non merci : c’est la seule boisson que je ne bois pas !
- Un jus de fruits peut-être ? Ou une bière ? J’ai vu que…
Vite, elle se tut. Il valait mieux éviter de lui dire qu’elle avait vu, plus précisément, observé: son caddie comptait parmi tous ces articles de bonnes bières dont elle était très friande.
- Je veux bien un jus de fruits.
Elle préparait les boissons et en même temps relança sa question. Il lui raconta alors ce qui s’était passé.
- Lorsque vous m’avez glissé le carton avec votre numéro, j’ai cru que c’était une erreur. Je n’avais presque pas vu votre visage. Je l’ai donné à la caissière, pensant que c’était pour elle. Mais elle m’a tout de suite dit qu’elle ne vous connaissait pas.
Maya écoutait son récit, curieuse de savoir la suite. Ce faisant, elle ne se privait pas de l’observer tout en se félicitant de son choix. La caissière devait être dingue des romans à l’eau de rose, des films d’amour car il la décrivit toute excitée d’avoir assisté à la scène :
- Oh, c’est pas vrai ! Depuis que je travaille ici, c’est la première fois que je vois ça ! Comme c’est beau !
Forcément, ça avait dû largement flatter son égo. Maya rit en entendant Serge imiter la caissière. A défaut de les mener quelque part, cette histoire aura au moins eu le mérite d’animer sa journée : n’était-ce pas salutaire ?
- Au fait, bien vu pour le parfum !
- Pourquoi ?
- Ben, c’est celui que je mets !
- Ah bon ? Oh mais ça, c’est le fruit du hasard : c’était celui que je sentais quand je vous ai aperçu !
- D’accord… J’allais dire… On s’est croisés dans les rayons deux ou trois fois seulement…
A part ça, il n’avait pas bien vu son visage… Les boissons étaient prêtes : elle les prit sur un plateau qu’elle emmena dans le séjour. Et ils se sont mis à bavarder, à faire plus ample connaissance. Tout naturellement, ils se tutoyèrent. Elle lui dit même qu’elle l’avait déjà repéré à la station essence mais se garda de mentionner le détail de la serviette.
Et l’adresse, au fait, comment l’avait-il eue ? Tout simplement par la caissière, si admirative, si fleur bleue qu’elle en avait oublié d’être professionnelle :
- Mais... elle est passée à ma caisse tout à l’heure ! D’ailleurs je crois que c’est la seule cliente qui m’a payé par chèque ! Attendez, je vais peut-être pouvoir vous aider...
Mouais… Enfin…
Il était près de 19 heures quand une amie de Maya passa la voir à l’improviste alors qu'ils étaient en pleine conversation. Meg ne venait que très rarement, aussi était-il impensable de lui demander de repasser une autre fois. En apercevant le bel homme, elle réalisa qu’elle tombait au mauvais moment et fit mine de vouloir partir. Mais Serge s’était de toute façon levé : il devait s'en aller aller.
- Je te raccompagne !
Maya mit des chaussures et sortit avec lui. Devant son portail était garée la voiture qu’elle n’avait pas reconnue.
- Et bien, en tout cas, j'ai vraiment apprécié de te rencontrer !
- Moi aussi, lui a-t-elle répondu avec un grand sourire
- On se rappelle, alors ?
- Oui, d’accord, avec plaisir !
Il posa sa main sur son épaule, l'embrassa sur la joue doucement et s’en alla.
Moralité: vous êtes célibataire? Ne broyez plus du noir: filez en courses !