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"Toute ressemblance avec des faits et des personnages actuels ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coincidence..."

- Je suis en délicatesse avec ma cheville, a-t-il dit... (partie 1)

   

Avant de rendre visite à son amie Mélissa, Maya s’est arrêtée dans une pâtisserie: des potins de fille, ça se raconte avec quelques petites douceurs. Dans la vitrine, il ne restait qu’un framboisier, et c'est précisément pour lui qu’elle avait craqué. Au moment où la vendeuse s’apprêtait à le saisir avec une pince, sa collègue, d’un geste vif, s’en est emparée pour le déposer délicatement dans une boîte, déjà bien garnie. Le visage de la gourmande, décomposé à l’idée de faire une croix sur son péché mignon, peinait à rendre au client chanceux son sourire, pourtant désolé.

boite-a-gateaux-coeur.jpg  

-          Et alors ?

-          Ça s’est fait très rapidement : il a voulu me le céder, galamment. Bien sûr, j'ai refusé, poliment – même si j’avais bien envie de dire oui !

-          A ta place, je crois que je l’aurais fait…

-          Certes. Mais tu n’y étais pas, à ma place. Du coup, il m’a proposé de m’offrir un café, à deux pas de là, en précisant : « Ne vous inquiétez pas, vous ne risquez rien, je ne pourrai me le permettre : je suis en délicatesse avec ma cheville. »

-          Ah... Je vois...

Maya a toujours cette sale habitude de craquer pour des détails, vous avez pu le voir dans ses aventures. Aujourd’hui, elle touille d’une moue rêveuse son café. Elle est sous le charme, c’est une évidence : jamais elle ne met de sucre dans son café. D’ailleurs, si ses collègues se trompent en revenant de la machine à café avec un caramel, elle ouvre la fenêtre sans mot dire et le vide, avec le sourire, sans rancune : c’est le geste qui compte, après tout. Mais elle ne supporte pas le caramel.

Avant même qu’elle ne s’en soit rendu compte, l’inconnu lui a donc rapidement glissé son numéro. Au feu rouge, au lieu de remettre son rouge à lèvres, comme toujours, elle a trouvé une autre façon, aussi efficace, de s’attirer les foudres des automobilistes, en se repassant en boucle cette phrase :

-          Je suis en délicatesse avec ma cheville.

... qui lui a fait oublier le feu vert. Un concert de klaxons l'a alors obligée à démarrer, vite. Contre toute attente, elle s'est garée sur le trottoir, déclenchant la furie des passants et les hurlements des conducteurs, et s'est saisi de son portable  pour accepter le fameux café.

Mélissa écoute sans mot dire sa patiente (on ne parle pas la bouche pleine), les yeux grands comme des soucoupes. Elle marque une pause et révèle son diagnostic: 

-          Ecoute, tu as raison : qui ne tente rien, n’a rien. Je veux juste que tu me renvoies un sms de temps en temps. Et son numéro : si on te retrouve dépecée au fond d’une impasse, derrière des poubelles, j’aurai au moins un indice à présenter aux flics.

Parfois, diagnostic rime avec pronostic. Depuis quelques jours, Mélissa lit une enquête sur Jacques L’Eventreur. Cela agit sur elle comme un filtre magique qui lui fait oublier qu’on est loin du XIXe siècle et de Whitechapel, son quartier de prédilection. 

Il est tard quand l'inconnu répond. Voilà une excellente stratégie qui transforme le café  en apéro, sûrement suivi d'un restaurant:  

-          Ok. Alors, rendez-vous devant la Fnac à 20 heures.

Le lieu est commun mais Maya ne lui en tient pas rigueur : l'inconnu habite la région depuis peu. Pour dire qu’on est en délicatesse avec sa cheville, on ne peut qu’être au point, question raffinement…

 

 

 

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